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Ou comme le disait une de mes amies, pour faire ou voir un véritable ballet dans le ciel !
Parce qu'il y a un côté artistique dans la voltige. Et parce que comme toute activité artistique, on arrive à un stade créatif satisfaisant après beaucoup de travail. Mais ce travail procure également beaucoup de plaisirs !
Désolé de ce qui va suivre, c'est long, mais pour ouvrir cette rubrique, je vais vous relater mon aventure de pilote lambda devenu un accro de la voltige. Je suis perdu pour la plupart de mes collègues d'aéroclub, car même au sol, je ne peux plus regarder un avion de la même façon. J'ai depuis dix ans une passion de plus. J'arrive plus à faire face !
Un article du numéro hors-série "Le Bourget 1995" de Science & Vie parlait de voltige. Le journaliste définissait la voltige en ces termes : "Maîtrise technique et violence physique". Je trouvais à l'époque que c'était une bonne définition. Réflexion faite, je crois qu'il y manque au moins un mot essentiel : le plaisir !
La voltige est une école de pilotage hors pair. Je crois comprendre qu'aujourd'hui, on forme des pilotes de ligne qui sont mis en place copi avec 500 heures de vol. Je n'ai rien contre. J'ai même une copine qui vient de partir en ligne comme ça. Mais j'ai du mal à comprendre que le cursus ne comprenne pas au moins à titre "culturel" 10 séances de figures de base. Quelqu'un qui a fait un cursus ab-initio peut-il m'informer là-dessus ? Et me donner ses impressions de professionnel : il n'aurait pas le sentiment diffus qu'il manquerait quelquechose à son éducation ? Merci d'avance.
La voltige est une école de pilotage qui allie précision, rigueur, méthode et contrôle du stress, donc contrôle de soi. A ce titre, je pense également que tout pilote privé devrait faire au moins des séances de perfectionnement avec démonstration des positions inhabituelles (comme en IFR), avec les mises en garde classiques (virages dissymétriques, départ et sortie de vrille, virages à très grandes inclinaisons, etc). C'est l'ITT qui parle : on sait tous vaguement ce qu'est un domaine de vol. On sait tous qu'il ne faut pas aller au delà. Mais si par malheur, inconscience ou inadvertance, on s'y retrouve un jour, qu'est-ce qui se passe ? Qu'est-ce qu'on fait ? On appelle maman au secours ? On saute sans parachute ? Non. On fait avant de s'y trouver des séances de perfectionnement. Pour ne pas avoir peur de l'inconnu.
J'ai débuté mes premières séances en CAP10 il y a fort longtemps, avec pour tout bagage 100 heures de vol, exclusivement sur Rallye et DR400. L'instructeur voltige que j'avais alors m'a fait faire des dizaines de virages à grande inclinaison pour commencer, puis on débutait chaque leçon par des vrilles ventre et des vrilles dos ! Le tout agrémenté de commentaires narquois, désagréables et sonores sur mon incapacité à piloter correctement !
Il n'empêche. Au bout de quelques heures de CAP, je n'étais plus le même. Je n'étais pas encore un voltigeur. Mais je savais que je ne serai plus jamais le même pilote ! Et je ne pouvais plus voir l'aviation et les avions comme avant ! Comme un terrien, quoi !
Je n'ai qu'un souhait en vous ouvrant cette rubrique : c'est vous faire partager une passion. Pas besoin d'être un athlète, ni un surhomme. Une forme physique "normale" suffit. L'organisme humain s'adapte à merveille, je vous le garantis. Pas besoin d'être multi-millionaire non plus. Beaucoup d'avions de voyage sont plus chers à l'heure de vol qu'un CAP 10. Et je peux vous garantir également que 20 minutes de voltige valent bien 40 minutes de tours de piste, en terme d'expérience, de concentration, et de sensations !
Toan Nguyen
24 février 1998
Ces derniers temps après avoir passé le deuxième cycle, je m'entraîne pour me perfectionner, et tendre à ce que nous souhaitons tous, la figure parfaite avec la sensation que l'avion a bien évolué (je dirais coulé) dans son élément, sans contrainte ni pour lui, ni pour nous, que nous nous sommes sentis bien tous les deux. Revenir après une séance de figures ou d'enchaînements et afficher +4.2 -2.7, on a une certaine satisfaction intérieure. J'ai donc attaqué depuis un certain temps le dernier DESAVOIS, et il n'est pas "coton".
Tout d'abord j'estime que quand j'arrive le samedi matin vers 8h30 au Castellet, si le CAP est le premier derrière la porte du hangar, c'est mon jour de chance. Après le décollage, un petit coup d'oeil vers la Méditerranée, Sanary , Bandol, l'île des Embiez et de l'autre côté la haute Provence avec ses montagnes enneigées, je suis sur l'axe de voltige. Il faut s'échauffer :on passe sur le dos avec un demi-tonneau pour vérifier que les ceintures sont bien attachées, puis on enchaîne quelques tonneaux en virage à droite car j'ai trop fait de figures par la gauche, côté normal de config de l'avion, effet gyroscopique que je n'ai pas encore bien apprivoisé pour m'aider à passer des figures.
Allez, on y va . Je monte haut car je perds encore de l'altitude sur l'enchaînement : retournement vertical 180, une verticale descendante (piqué), j'attends que la vitesse grimpe à 150, puis on passe sur le dos pour un renversement inversé, ma bête noire car ma remontée verticale s'effectue toujours avec l'aile gauche basse, alors bonjour le triangle de bout d'aile pour le repère ! Après c'est un peu mieux , après le renversement , nouveau piqué avec sortie dos, puis remontée dos pour enchainer vrille un quart de tour et rétablissement normal. Là, 3 tonneaux intérieurs en virages à droite, ça j'aime.
Je ne décrirai pas toutes les figures ensuite dont certaines sont classiques, mais demandent justement à être fignolées. Dedans il y a aussi une demi-boucle chinoise (un tonneau piloté en haut de boucle). Roland me dit que la boucle chinoise comprend 2 tonneaux pilotés et est très difficile à faire avec le CAP 10, il faut la faire avec le 21, d'ailleurs à la deuxième boucle, on ne sait plus trop où on est (c'est où la sortie ?). Les enchaînements ont vraiment quelque chose de magique, quand on les réussit, une grande satisfaction car toujours difficiles, il faut sans cesse vérifier repères extérieurs, altitude, vitesse, accéléro, en même temps sortir d'une vrille pour enchaîner passage par l'avant est une sensation forte, mais pas dangereuse si elle est préparée tranquillement. La demi-boucle carrée permet de suivre par un demi-noeud de savoie : à la sortie de cette demi-boucle, on se retrouve sortie dos, on laisse monter la vitesse en calant l'avion à 45°, et à 210, on pousse en remontée dos. Sans être très difficile, je trouve que cette succession rapides de négatifs est assez éprouvante, il été reconnu que ce DESAVOIS était plus délicat que les précédents, et qu'il faut s'entrainer régulièrement pour avoir la forme. Egalement pas trop d'excès de bouffe dans la semaine pour être complètement bien.
Voilà quel plaisir de se rendre compte qu'avec plus de 40h de voltige, on commence à regarder son avion autrement et réaliser mieux ce qui se passe quand on est en plein dans la figure, on sent toutes ses réactions chaque seconde, il y a de moins en moins de temps morts où on attend un peu ce qu'il va faire. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir : maîtriser et utiliser les dérives dues au vent, l'attaque oblique, l'effet gyroscopique, le souffle moteur pour donner à l'avion aussi du plaisir à évoluer dans son élément.
Bertrand BOLUSSET
15 décembre 1997
Var Voltige
Encore quelques secondes de répit avant la tempête.
Mon instructeur, un fringuant jeune homme de 76 printemps, jette soudain dans son laryngophone."Allez, renversement- boucle !""Renversement-boucle", réponds-je, et résolument le nez du Stampe pointe vers la terre. Bon, Il FAUT que je n'oublie rien, cette fois. Je louche rapidement sur le badin : 160. Ne pas oublier de réduire...190, il est déja temps de revenir en palier. Pour marquer le début de la figure, nous égrenons de concert les secondes à voix haute : "Un... Deux !". Et c'est parti pour une montée verticale, je regarde automatiquement le bout de l'aile inférieure gauche."Allez, plus vite !!!" glapit-t'on dans mes oreilles. M..., j'suis encore trop lent. Bon, c'est pas grave, je n'ai pas oublié dep asser plein gaz, et à présent l'avion monte droit comme un "i". Du bout du pied gauche, je réfrène son envie de cadencer à droite. Pendant les trois prochaines secondes, je n'ai que cela à faire :garder l'horizon au bout de l'aile inférieure gauche. J'attends, j'attends encore, encore... Besnard ne dit rien, c'est bon signe. Coup d'oeil éclair au badin : Il est l'heure, un peu tard même. J'appuie à fond sur le palonnier droit, et aussitôt l'avion se met à pivoter docilement, aidé des ardeurs gyroscopiques du moteur. C'est magique, la machine dont nous faisons partie tourne placidement sur elle-même. Sont-ce les haubans qui vibrent ainsi, ou bien l'avion tout entier ?... J'ai oublié de pousser ou peu, mais j'ai dû le faire involontairement, car il ne me semble pas nous soyons passés sur le dos. Impression photographique du nez qui tranche la ligne d'horizon, presque face au soleil. Peu avant la verticale, il faut s'appliquer à stopper de la rotation sans balancement, terminant le museau pointé sur notre route. "Il était presque parfait, celui-là ! "En piqué vertical, plein gaz, nous comptons à nouveau, pour mesurer la vitesse."Un..." Vite, je réduis avant qu'il n'ait à le faire. Cette fois j'y ai pensé ! "Deux !" Et je tire, franchement mais sans brutalité, jusqu'au palier. "Allez, boucle ! Un... Deux !" J'ai commencé à cabrer sans regarder le badin, mais nous devons avoir largement assez d'énergie. On remet les gaz. "Serre, bon dieu, serre, mais serre, SERRE ! "Mais pourtant j'fais qu'ça d'serrer ! C'est pas encore assez ? Y m'embête le monsieur, à la fin. Je jette la tête en arrière pour ne pas manquer mon rendez-vous avec l'horizon. Je suis sûr que du miroir de l'aile supérieure on m'observe. "Ralentis... ralentis..." Mais enfin, comment fait-il pour toujours voir la terre avant moi ? Et je ralentis la rotation, puisqu'il est dit qu'une boucle doit être ronde. J'ai maintenant un peu de temps pour observer les champs qui basculent lentement, loin au-dessus de nos têtes. Aux grands angles et avec son dièdre a l'envers, le Stampe est une vraie savonnette. Il n'a qu'une envie, c'est d'engager un inclinaison."Mais qu'est-ce que tu fous ? "J'essaie de le piloter pour garder l'axe, mais je dois sur-compenser car nous louvoyons. Peut-être ai-je trop ralenti la rotation, ou bien nous ne volons plus assez vite... Nous sommes en piqué à 45 degres sur le dos. La position est assez impressionnante et semble s'éterniser, je dois résister à l'envie de tirer plus fort pour en finir. La boucle doit être ronde. La route défile devant nous. Je réduis les gaz. Tout à l'heure j'avais envie de serrer, mais maintenant je dois calmer l'avion qui serre lui-même sous l'effet de la vitesse. Palier à 200 : Impec. J'entend sa voix qui compte : "Un... Deux !" Et c'est quoi, maintenant ? Ah oui, un renversement ! Et le cirque recommence 3, 4, 5 fois jusqu'a n'être plus sur l'axe, et trop près du sol pour persister. Par instants, la pensée parvient à prendre de l'avance sur les mouvements de l'avion, poussant même le luxe jusqu'à permettre la lecture du badin ou du compte-tours.
C'est assez gratifiant, car ça donne l'impression de maîtriser.
Probablement la disponibilité dont parle si bien Anne-Céline. Lors la rotation du dernier renversement, une voix monte : "Rétablissement normal !". Ah, plus dur ca. "Un... Deux... TROIS !" Prolonger ainsi la descente alors que nous ne sommes plus très haut (mais bien assez tout de même), c'est toujours surprenant. Le décor me bondit a la figure et j'ai hâte de sentir la ressource rassurante, preuve que nous sommes encore bien sustentés. "Doucement, doucement..." En palier, le badin est joufflu." Un... Deux !" On s'élance une nouvelle fois vers le ciel. "LES GAZ !!!" Ah, j'ai oublié. Ca risque de me coûter cher, ca. "SERRE !" Des ombres glissent sur les ailes, je jette la tête en arrière pour accueillir l'horizon. Le voilà. Je contracte les abdos contre le harnais en prévision de l'apparition de la pesanteur. Il faut arrêter la rotation lorsque l'horizon effleure l'extrados de l'aile supérieure, c'est l'assiette de palier en vol inversé. Hop, je pousse et nous pesons. J'hésite le temps de me rappeler comment conjuguer puis croiser les commandes, puis je me lance : Tout à droite, puis pied vers le ciel, en dosant le juste nécessaire pour soutenir le capot. Le Stampe se met à rouler, puis la rotation accélère brusquement. Pas le temps de dire ouf, mais nous sommes à plat. L'autre devant, il se marre ! "He he he, on a déclenché !" Et oui, c'est ça le Stampe : Dans la faible marge de manoeuvre qui permet de terminer certaines figures sans matraquer la pièce de collection qui sert de moteur, chaque tour d'hélice compte. Malgré le froid, je suis en nage, un peu barbouillé même. Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais un instructeur à bord, c'est fou ce que ça peut dégager comme chaleur. "Ouais ouais, c'est pas trop mal... Rapproche-toi du terrain, on va faire quelques atterrissages." Il lit dans mes pensées...
Jérôme Roger
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